Mike et moi, on n’y croyait pas… Obtenir une interview de Europe en y allant au flanc, ça tenait du doux rêve. Et pourtant, mes bonnes relations avec Roger Wessier de Replica Records, ainsi que la qualité du site webmasterisé par Mike ont suffi à nous faire décrocher la Lune !!! So here it is, l’interview de Europe par Europe Paradise. Elle a été réalisée le mercredi 27 septembre à Paris, dans un salon particulier du très chic hôtel de la Trémoille, pas très loin des Champs-Elysées. Nous sommes arrivés bien en avance, grâce au GPS de Mike et à ma fidèle Scénic. Roger nous a fait patienter un peu dans le hall de l’hôtel, nous a filé quelques bonnes infos et puis il a dit : « Bon, on va se rapprocher pour voir où ils en sont… ». Là, nous nous sommes levés comme un seul homme et nos pulsations cardiaques sont immédiatement passées de 60 à 140/min. Nous avons pris un couloir, tourné à droite et rejoint une porte qui se trouvait dans un recoin. Roger a ouvert et… yes, c’était bien Joey et John que nous avions devant nous, en chair et en os !!! C’était parti pour 45 minutes de rêve, en totale apesanteur !!!



En préambule de l’interview, je dis quelques mots en suédois pour créer le lien et installer une bonne atmosphère, tandis que Mike demande l’autorisation de prendre des photos. John accepte et retire un petit morceau d’une matière étrange du dessous de sa lèvre. Joey, lui s’éclipse pour aller dans un endroit qui prouve qu’il est humain…

John : Pas de problème pour les photos, mais avant il faut que retire ça. C’est du tabac suédois qui se met sous la lèvre. Peut-être en avez-vous entendu parler ? C’est quelque chose de typique. Tout le monde en Suède consomme ça. C’est du Snuff, une sorte de tabac à priser… (pour les curieux, voir sur le site swedish-snus) Si vous fumez et que vous voulez arrêter, c’est pas mal…

Europe Paradise : C’est ton cas ? Tu veux arrêter de fumer ?
John : Je n’ai jamais vraiment été un fumeur. Je fume juste pendants les teufs. Et encore, ce n’est même plus le cas…

Joey est de retour, l’interview peut commencer...

Europe Paradise : Commençons par le commencement, avec le titre de l’album : Secret Society. Ça fait référence à quoi ? Le groupe Europe est-il lui-même devenu une sorte de société secrète ? (John s’éclipse à son tour… Confirmation, il est humain lui aussi ;-) )
Joey : Eh bien, ça vient d’une conversation téléphonique que j’ai eue avec Robert Plant. Nous parlions des groupes de rock. Et il m’a demandé : « Alors, les gars, où en êtes-vous avec Europe ? ». Je lui répondu que nous allions faire une tournée aux Etats-Unis suite à la sortie de l’album STFD. Et il m’a dit : « C’est super ! Tous les groupes de rock restent unis. Et nous ne pouvons jamais nous arrêter ! ». Plus tard dans la conversation, l’un de nous deux a dit ? je ne me rappelle plus qui ?, « C’est comme une société secrète ». C’est la même chose pour tous les musiciens… quand tu viens au monde, quand tu prends conscience que tu es vraiment un musicien et que tu veux être dans un groupe, c’est comme si un pacte secret était passé. Et il va falloir le tenir pour toujours ! Voilà l’idée et voilà d’où ça vient. Ensuite, j’ai fait une maquette rapide (Ndlr : on ne sait pas s’il parle d’un essai de jaquette ou de la chanson elle-même) que j’ai montrée aux autres membres du groupe. Et ils m’ont dit : « C’est excellent ! ».

EP : As-tu conscience que le titre Secret Society puisse être interprété de plusieurs façons, notamment avec un sens plus inquiétant, plus dérangeant ?
Joey : Absolument ! Et si certains veulent l’interpréter de cette façon, c’est très bien comme ça ! Peut-être y a-t-il un message plus sombre là-dedans, va savoir ? Les paroles ont été écrites très très rapidement et même moi je ne sais pas exactement ce qu’elles veulent dire. Alors peut-être y a-t-il effectivement quelque chose qui se trame là-dessous… (rires de Joey & John… de retour des toilettes)

EP : Quel était votre état d’esprit quand vous avez commencé à composer pour ce nouvel album ? Aviez-vous une idée précise de l’orientation musicale à prendre ?
Joey : Nous savions que nous voulions travailler de la même manière que sur STFD et que nous voulions amener notre musique à un palier supérieur par rapport à SFTD, notamment du point de vue du son, avec un meilleur mixage, un meilleur enregistrement, un meilleur mastering, tout ceci en prenant les meilleurs professionnels du milieu pour le faire. Nous voulions aussi élargir un peu la musique. SFTD est très brut et direct (John acquiesce). Secret Society est plus large, plus ample, avec un son plus incisif… et nous avons réussi à faire ce que nous voulions !

EP : Mon impression est que vouliez frapper fort avec cet album et que vous vouliez en faire un jalon important de votre carrière…
Joey : C’est exact. Et après coup, nous sommes en train de prendre conscience que c’est probablement notre album préféré de Europe. Nous pensons même que c’est le meilleur. Nous avons réussi ce nouveau défi et nous en sommes très heureux. C’est pour ça que nous prenons beaucoup de plaisir à en faire la promotion, comme aujourd’hui.

EP : Est-ce que le choix de Storm Thorgerson pour la pochette a quelque chose à voir avec cette volonté de frapper un grand coup avec votre nouvel album ?
Joey : Absolument ! Et aussi avec l’envie de faire la meilleure jaquette d’album que nous n’ayons jamais eue ! (Joey et John éclatent de rire).

EP : Justement, avez-vous conscience des remous et des débats qu’a provoqué, parmi vos fans, la découverte de la pochette ?
Joey : Oui, nous avons vu ça… Cette pochette, c’est quelque chose de plus progressif. Ça marque notre envie de prendre un nouveau départ et de faire quelque chose de différent. Dans les années 70, les groupes que nous aimions ont fait des pochettes d’albums superbes, comme UFO avec Phenomenon ou Force It. Elles étaient vraiment bizarres… Mais nous aimons ça et nous voulions retrouver le même esprit pour Europe. L’idée, c’est d’apporter un peu plus de profondeur…

EP : Êtes-vous d’accord si je dis que Secret Society est l’album le plus collectif jamais produit par Europe ?
Joey : Je pense que oui. John a un peu plus écrit avec moi que sur SFTD. Et sur STFD, c’était surtout John et moi, tandis que là, Mic a apporté sa pierre à l’édifice, de même que John Leven qui apparaît au crédit d’un titre. Alors oui, c’est un travail plus collectif… C’est l’album le plus collectif produit par Europe…
John : Oui, sans aucun doute !
Joey : De plus, cet album a été produit par nos soins. Nous sommes arrivés à un stade de notre carrière où nous pouvons prendre en charge la production d’un album. Le truc, c’était de trouver les meilleures personnes pour l’enregistrer.


Les cinq sorciers de la production


EP : C’était comment, de produire de cet album vous-même ? Effrayant ou excitant ?
Joey : C’était très excitant, parce que c’était la première fois !
John : Ça n’était pas effrayant du tout ! Nous avons fait tellement d’albums tous les cinq… et j’ai fait tellement d’albums solos que j’ai produits moi-même… J’ai toujours appris des choses des producteurs avec qui j’ai travaillé. C’était du genre : « Ah, c’est comme ça qu’il faut faire… ». J’ai appris au fil des années et, au bout du compte, même en travaillant avec des producteurs, je ne finissais par faire les choses moi-même parce que j’étais devenu meilleur qu’eux.

EP : Tu te sentais donc prêt à relever ce défi ?
John : Oui, totalement ! Tous les cinq, nous sommes cinq bons producteurs… et cinq valent mieux qu’un seul !

EP : Parce que ça fait cinq fois plus d’idées à l’arrivée ?
John : Exactement ! Et nous sommes très égaux de ce point de point de vue. Aucun n’est meilleur que les autres, même musicalement. Nous avons tous de bonnes idées.

EP : Vous avez pris ça comme un jeu ? Essayons un peu de ceci et un peu de cela ?
Joey : Oui, c’était très marrant et très créatif ! Parfois, c’était même un chaos créatif (rires) ! Nous étions dans un grand complexe d’enregistrement et nous avons fini par occuper trois studios en même temps… tout le bâtiment en fait ! Et par la suite, nous avons même eu Stefan Glaumann qui mixait dans un autre studio ! Nous mobilisions quatre studios en même temps. Et c’était le chaos ! Et c’était excitant ! Nous avions une deadline, tu vois, pour faire masteriser l’album à New York le 3 août. Et nous sommes entrés vers la mi-juin en studio. Donc, nous avions un mois et demi pour tout faire, tout mixer !!! C’était carrément dingue, mais on s’est vraiment amusés !

EP : A mon avis, Secret Society est l’album de Europe le plus inventif du point de vue de la production. Est-ce que ça signifie que, dans ce domaine, vous avez été brimés par les producteurs ou votre maison de disque par le passé ?
Joey : Peut-être un peu. Mais c’est aussi une question d’expérience. Je pense que nous sommes mûrs pour ça maintenant. Nous aurions pu pour SFTD, mais nous ne le savions pas. Nous voulions prendre un risque, mais nous l’avons fait avec l’écriture en faisant un album très brut. Donc, nous nous sommes lancés d’une manière différente, mais nous ne sommes pas allés totalement au bout de ce que nous aurions pu faire…

EP : Joey, parlons maintenant de ta manière de chanter. Il semble que tu aies cherché à te réinventer dans ce domaine, non ?
Joey : Effectivement, il y a plusieurs chansons où je chante sur deux octaves, l’une haute, l’autre basse. C’est le cas sur Secret Society et sur Always The Pretenders, les deux premières chansons de l’album. Ça donne l’impression d’entendre un effet, mais c’est juste deux voix l’une sur l’autre.


Le falsetto de Joey


EP : Je pensais également à Devil Sings The Blues…
Joey : Ah oui, c’est vrai, je chante plus en voix de tête (falsetto) sur cette chanson. John adore cette façon de chanter ! Nous nous sommes rencontrés il y a très longtemps, quand nous étions ados et, à l’époque, il aimait que je chante comme ça. Et je le fais parfois…
John : Sur les premières maquettes, par exemple sur celles de Wings Of Tomorrow, il avait une voix plus rugueuse, avec davantage de distorsion et j’aimais vraiment ça. Mais l’aspect négatif de ce style de chant, c’est qu’on ne peut pas le tenir longtemps pendant un concert.
Joey : C’est vrai, on ne peut pas trop le faire en live. On revient vite à sa voix pleine et normale. Mais sur un album, on peut expérimenter davantage.

EP : A propos de voix pleine et normale, j’ai l’impression que tu chantes d’une manière plus puissante, mais aussi plus haut, que sur SFTD. Est-ce que ça veut dire qu’il t’a fallu un peu de temps pour te réadapter au chant rock ?
Joey : Je n’en sais rien ! Le truc, c’est plutôt que nous avons joué avec des accordages graves sur SFTD…
John : Oui, c’est de là que vient cette impression. Sur SFTD, tout est joué au moins un demi-ton plus bas que d’habitude, exception faite de deux ou trois chansons, comme Hero.
Joey : Du coup, le chant a fini par être un peu bas…
John : Exactement. Si tu t’accordes un demi-ton plus bas à la guitare, la voix sera automatiquement plus basse que d’habitude.

EP : Et cette fois-ci, tu es revenu à un accordage standard…
John : Oui, sauf pour trois chansons qui sont Always The Pretenders, The Getaway Plan et Love Is Not The Enemy…
Joey : Oui, mais pour Love Is Not The Enemy et The Getaway Plan, c’est un accordage en Si (B tune), ce qui est différent…
John : Oui, tu as raison. Dans ce cas-là, toutes les cordes sont un demi-ton plus bas et la corde grave est en Si, ce qui donne un son vraiment heavy. Mais ça marche bien sur ces chansons. D’ailleurs, si elles avaient été jouées en accordage standard, le chant aurait été beaucoup trop haut. Le truc, dans tout ça, c’est de trouver ce qui s’adapte le mieux à la chanson, à son sens, etc.


Un nouveau son pour John Norum


EP : Puisque tu parles guitares, continuons… Comment as-tu abordé tes parties rythmiques et tes solos ? Qu’avais-tu en tête au moment de les enregistrer ?
John : Je voulais simplement être bon ! Je n’ai pas de plan directeur en tête, ou autre chose de ce genre, quand je rentre en studio. Là, j’ai juste bricolé un peu avec les sons, parce qu’avec SFTD, j’ai trouvé que mon son de guitare était un devenu un peu trop confus, trop baveux, trop sinistre… Du coup, il n’avait pas vraiment de présence. Alors, cette fois-ci, j’ai essayé différents amplis, différentes lampes, différents micros de guitare, différents câbles… bref, différents trucs techniques et j’ai effectué quelques changements.

EP : Apparemment, tu as beaucoup travaillé sur les sonorités…
John : Oui, et généralement, je fais ça à la maison. Je m’installe avec mon petit ampli Marshall 4x5’’ et je change les lampes, je bidouille les réglages, j’essaye… et je peux faire ça pendant des semaines, jusqu’à ce que je trouve des sons qui me conviennent. Pour en revenir à l’album, j’ai utilisé cette fois-ci des baffles avec un son plus ouvert. Quant au jeu de guitare, je joue comme j’ai toujours joué, en essayant d’être le plus mélodique possible.

EP : Oui, mais ce qui frappe cette fois, c’est la rapidité de tes plans…
John (il me regarde avec un faux air de défi et d’indignation) : Mais j’ai toujours joué très vite ! (Joey se marre et me fait un clin d’œil).

EP : Je ne dis pas le contraire, mais sur SFTD, ton jeu était nettement plus retenu. Sur Secret Society, en revanche, les plans sont nettement plus flashy et la recherche mélodique est de tous les instants…
John : J’essaye de trouver le bon équilibre entre les deux. Mais c’est vrai, j’aime les plans flashy. Sur SFTD, la guitare est un peu en retrait sur ce point, parce qu’il y a un peu moins de solos. Ils étaient aussi plus courts et, dans tous les cas, ils ne sont pas aussi agressifs que ceux que je joue sur Secret Society…

EP : Quoi qu’il en soit, tu as fait de l’excellent boulot sur ce nouvel album…
John : Je pense que oui. Je me suis dit après le mixage que je n’avais pas à me plaindre du fait que je n’ai pas pu me laisser complètement aller et faire tout ce qui me passait par la tête, comme sur le solo final de Devil Sings The Blues ou comme sur Secret Society. Avec cette chanson, Joey m’a vraiment surpris. Je lui ai demandé : « Alors, qu’est-ce qu’on fait ici ? Je joue un solo ? ». Il m’a dit : « Ouais, ouais, vas-y, balance-moi un solo ici… et un autre ici… et encore un autre !! » (Joey se marre). Du coup, il y a trois solos dans cette chanson… plus un solo de claviers… et c’est cool !!!


Dream Theater ou les Who ?


EP : Le solo de Mic donne l’impression qu’il a écoute Dream Theater ces derniers temps ?
Joey : Je ne pense pas qu’il écoute ce groupe. Je pense qu’il avait plus les Who en tête quand il a joué ce solo (Joey chante le début du solo…).
EP : John, quelles guitares as-tu utilisées pour cet album ? Des Gibson, encore des Gibson, toujours des Gibson ?
John : Oui ! Mais, tu sais, elles sont toutes différentes, avec des bois différents, des configurations différentes, etc. En tout, je devais avoir 7 ou 8 Les Paul pour l’enregistrement, qui ont toutes plus ou moins les mêmes micros. J’ai aussi utilisé l’ES 335 de Joey sur plusieurs chansons, comme Forever Traveling ou Secret Society. Tu sais, c’est la guitare de Chuck Berry, avec les ouïes en « f »… J’ai aussi joué une Gibson SG de 1967 sur plusieurs chansons, pour des plans plus bluesy. D’ailleurs, tu as peut-être noté que je joue plus bluesy sur les solos de cet album.
Joey : C’est vrai, il y a des bons plans bien blues ici et là !
John : Oui, notamment dans le solo de Wish I could Believe, où je joue très blues, et seulement avec les doigts. J’ai essayé de faire un truc à la Stevie Ray Vaughan et c’était cool de le faire pour un album de Europe. Ah… et j’ai aussi joué une Fender Stratocaster pour certaines parties en son clair. Ce n’était pas ma gratte mais celle de l’ingénieur du son, et Dieu merci, elle était vraiment excellente… Une gratte des années soixante…

EP : Et toi, Joey, as-tu enregistré certaines parties instrumentales ?
Joey : Oui, j’ai enregistré quelques parties de guitares électriques… de la guitare rythmique essentiellement. Mais on ne précise jamais ça sur nos albums. On dit juste : Joey : chant / John : guitares / etc.
John : Oui, c’est vrai. Mais là, ça m’a un peu surpris. Tu aurais pu faire inscrire sur la jaquette (et ça ne m’aurait pas dérangé du tout) : Joey : chant et guitares rythmiques / John : guitares et chœurs / Mic : claviers et chœurs / etc.
Joey : C’est vrai, j’aurais pu faire ça. Mais il vaut mieux simplifier les choses. Parfois, sur les albums, il y a trop d’infos de ce genre…
John : Tu as raison. Il suffit de prendre l’exemple d’Yngwie Malmsteen. Il met Yngwie : guitares, chant, chœurs, claviers…
EP : Corde de mi, corde de la, corde de sol… (Joey se marre et rajoute…)
Joey : Violoncelle !
John : Mais tu ne crois pas si bien dire ! Il met tous les instruments qu’il trouve dans le dico ! Du coup, il passe pour un débile !

EP : Secret Society est-il l’album de la maturité pour Europe ?
Joey : Je pense qu’on sonne comme des musiciens expérimentés. Mais, de mon point de vue, je pense qu’il y aussi quelque chose de frais et de juvénile dans le son de cet album… de punchy aussi ! Cela dit, il est vrai que l’expérience que nous avons acquise au travers de nos albums, de Europe ou solos, nous permet d’accéder à une certaine maturité, et plus particulièrement dans les paroles. Alors maturité… bien sûr ! Nous vieillissons un peu… (rires)
John : Mais alors rien qu’un peu ! (re-rires)


Des pleurs et des joies


EP : A propos des paroles, dans quoi as-tu puisé l’inspiration cette fois-ci ?
Joey : Je pioche généralement dans ce qui arrive au groupe, aux autres membres ou à moi. Je pioche aussi dans les événements du monde. Ça peut être n’importe quoi, depuis les attentats de Londres, le 11 septembre, jusque… Pendant l’enregistrement, la mère de Ian est décédée…


EP : D’où le titre A Mother’s Son…
Joey : Oui. Le père de Mic est décédé lui-aussi. Et de mon côté, pendant l’enregistrement, je logeais chez mes parents qui ont pris un coup de vieux… Tout ça a donné naissance à la chanson A Mother’s Son. D’un autre côté, John a eu un premier fils, Jake, ce qui a inspiré la chanson Devil Sings The Blues…
John : Et c’est vraiment un petit diable que j’ai ! (Joey éclate de rire)

EP : Il ne te laisse pas dormir la nuit ?
John : Non. Il me tient éveillé toute la nuit ! (rires)
Joey : Ce sont des choses comme ça, des choses qui arrivent au groupe, qui me serve à écrire les chansons. Et du coup, l’album a quelque chose de plus réaliste cette fois-ci. Et quand nous allons le jouer sur scène, nous chanterons des paroles qui signifient vraiment quelque chose pour nous.

EP : C’est un album plus introspectif, tu veux dire ?
Joey : Oui. D’ailleurs, je pense que tous les Scandinaves sont très introspectifs, voire mélancoliques. Il fait trop noir là-haut…

EP : Je ne trouve pas… (je voulais dire : « que les Scandinaves soient mélancoliques », mais John et Joey comprennent : « qu’il fasse trop noir »)
John : Mais tu n’es allé en Suède que deux semaines…
EP : Non, huit fois en tout !
John : En hiver ?
EP : Une fois en hiver, le reste en été.
John : Oui, d’accord, en été. L’été est chouette en Suède (Joey acquiesce) ! Mais l’hiver peut durer jusqu’à six ou sept mois. C’est pénible à la longue, parce qu’il n’y a jamais de lumière. Tu te lèves, il fait noir, tu te couches, il fait noir…
EP : Est-ce que c’est déprimant ?
Joey et John : Oui, ça peut !
Joey : Je crois que c’est la raison pour laquelle des groupes comme A-Ha ont des paroles très mélancoliques. Mais je les trouve excellents et leurs paroles aussi. Même chose pour certains groupes suédois qui sont très… introspectifs !

EP : Qui joue du piano sur A Mother’s Son ? C’est toi Joey ?
Joey : Non, c’est Mic. Mais ce qui est amusant, c’est qu’il a joué sur le même Steinway que j’ai utilisé pour l’enregistrement de Dreamer il y a des années. Ce miracle a pu se produire parce que l’ingénieur du son des studios Polar où nous avons enregistré Wings of Tomorrow, Lennart Östlund, travaille maintenant aux studios Kingside où nous avons enregistré Secret Society. Et il a eu la bonne idée d’emmener son piano avec lui. Grâce à lui, une boucle est bouclée !!

EP : Rêvez-vous de reconquérir le sommet des charts, comme au bon vieux temps du Final Countdown ?
Joey : C’est toujours sympa d’être dans les charts, mais nous avons toujours été un groupe de scène. Notre premier rêve, c’était d’être un groupe de scène. Nous trouvions amusant de faire des albums, mais ce que nous voulions, c’est nous retrouver le plus vite possible sur la route. Et c’est encore le cas aujourd’hui : nous faisons des albums pour avoir la possibilité de partir en tournée. Pour en revenir à ta question : oui, qui sait ? Il y a peut-être une chanson sur Secret Society qui va devenir populaire et grimper dans les charts. Quand nous avons écrit The Final Countdown, nous ne savions pas que c’était un tube. C’est juste une chanson parmi d’autres…


Superstitious ?


EP : Pourquoi seulement 11 titres sur l’album ? Treize auraient été mieux pour une société secrète, non ? (rires)
Joey : C’est vrai, 13 est un bon chiffre pour une société secrète.
John : Non, 13 est un mauvais chiffre ! Au japon, il ne l’utilise jamais nulle part, pas même dans les ascenseurs où on passe directement du 12e au 14e étage (rires). Au passage, il faut que tu saches que les Japonais voulaient deux titres bonus, ce qui aurait fait 13 chansons… Mais j’ai trouvé que ça serait mieux avec seulement un titre bonus. Je ne voulais pas qu’on nuise aux nouvelles chansons avec un ajout de titres plus anciens, même s’il y a de bonnes choses parmi ces titres. Je voulais vraiment que le nouvel album sonne très neuf, très à la page. Donc, il n’y aura qu’une chanson bonus. Pour en revenir à ta question, je crois que 11, ça fait déjà beaucoup de chansons.

EP : Y aura-t-il des inédits sur les singles ?
Joey : Nous préférons mettre des chansons enregistrées live. Sur SFTD, nous avons enregistré beaucoup de concerts. Du coup, sur le premier single, il y aura deux chansons live, Flames et Superstitious, enregistrées au BB King’s à New York. Et sur la version commercialisée sur iTunes USA, il y aura deux chansons enregistrées à Paris : Sign Of The Times et Yesterday’s News. Bref, voilà en quoi consiste nos inédits : des chansons live ! Nous voulons aussi montrer cet aspect musical de Europe. Et peut-être faire un album live également !

EP : Avez-vous déjà une idée des titres de Secret Society que vous jouerez sur scène ?
Joey : Ouh-là…
John : C’est une question difficile, mon pote ! On n’arrête pas de se la poser !
Joey : Et on monte sur scène dans deux semaines seulement ! On va probablement finir par toutes les répéter et décider au dernier moment lesquelles on va jouer. Mais ce sera difficile ! Nous aimons toutes les chansons.
John : Si ça ne tenait qu’à moi, on les jouerait toutes, parce qu’elles sont vraiment bonnes et toutes au même niveau. Il n’y en pas une qui soit au-dessous des autres.
Joey : Disons qu’on en jouera quatre ou cinq.

EP : N’oubliez pas Love Is Not The Enemy, s’il-vous-plaît !
John : Pas de problème !
Joey : Oui, c’est une super chanson !
John : On jouera celle-là certainement, The Getaway Plan certainement, Secret Society certainement… et Always The Pretenders bien sûr ! Et puis Forever Traveling, que j’aime beaucoup, Wish I could believe, Human after all… C’est vraiment dur de choisir. Je pense qu’on les jouera toutes, mais à tour de rôle, histoire de ne pas faire toujours la même chose d’un concert à l’autre.

EP : Quand tournerez-vous en Europe et, plus particulièrement, en France ?
Joey : Ce sera en janvier ou en février. En octobre et novembre, nous serons en Scandinavie (Suède, Norvège, Danemark). Et après Noël, on fera le reste de l’Europe. Ensuite, direction l’Asie, la Grande-Bretagne, les Etats-Unis et quelques festivals d’été.


Joey fait son Bono…


EP : Joey, je voulais te féliciter pour la chanson Brave And Beautiful Soul qui est, à mon avis, une des plus belles chansons que tu aies jamais écrites.
Joey : Merci !
EP : Elle a un côté très british…
Joey : Oui, je vis là-bas depuis trop longtemps…
EP : Il y a un peu de U2, de Coldplay et peut-être de Radiohead là-dedans
Joey : Oui, peut-être. J’habite là-bas depuis si longtemps maintenant qu’il est possible que de telles influences fassent surface. Les autres membres du groupe disaient au début : « mouais, je ne sais pas trop… ». Mais nous avons commencé à la répéter, à la faire plus dans le style de Europe… et puis John a mis sa patte et a dit : « finalement, elle est vraiment bien ».
John : Oui, mais la maquette sonnait très U2…
Joey : C’était très british, ça commençait avec la basse et puis… boom !
John : On a essayé différents arrangements, nos trucs à nous, et nous l’avons « rockisée » un peu, parce que la maquette était plutôt pop. Au passage, je crois ça ferait un super titre à jouer en live. Je la vois bien, avec les lumières… (Il chante le riff et fait semblant de jouer)
Joey : J’aimerais bien la faire, moi aussi !
John : En plus, c’est une chanson tellement différente des autres… ça ferait un super changement dans le set !

EP : Pour moi, la chanson à part, c’est plutôt Devil Sings The Blues…
Joey : C’est vrai, c’est une chanson spéciale. Pour moi, c’est comme une « classic rock track » et ça tient beaucoup à la guitare de John. Le solo est fantastique !

EP : En une prise seulement, ce solo ?
John : Oui, une prise. Je me suis échauffé avant et j’ai essayé de rassembler quelques idées de base avant, et puis j’y suis allé !

EP : Tu es donc définitivement le grand maître de la guitare…
John : (en plaisantant) Eh oui !!! Il y avait beaucoup d’approches différentes sur cette chanson. Habituellement, j’aime être installé à côté de l’ingénieur du son et faire les choses moi-même pour ne pas être dérangé et rester concentré. Mais je savais que c’était le dernier solo que j’avais à enregistrer, parce que c’était la dernière chanson de l’album. D’autre part, c’était le seul à se terminer en fade out. Du coup, ce que j’ai fait, c’est que j’ai amené des gens dans le studio. On a fait comme une petite fête, bu un coup et j’ai joué. C’était une approche nouvelle, que je n’avais jamais essayée avant.


Europe = Megadeth ?

EP : Pour faire une nouvelle comparaison, je trouve que l’intro de Devil Sings The Blues a un côté Megadeth, mais je ne sais pas pourquoi…
Joey : Ah bon ? Cool !
John : Oui, oui, je vois ce que tu veux dire. Je vois la chanson dont tu veux parler. C’est sur un de leurs meilleurs albums. Mais la première fois que j’ai entendu la chanson sur la maquette, ça m’a plutôt fait penser à Rush, notamment pour la partie acoustique. Mais ensuite, on a commencé à l’enregistrer et ça a fini par donner quelque chose de complètement différent, ce qui est bien.

EP : Autre comparaison : The Getaway Plan, à mon avis, pourrait être chanté par Billy Idol…
Joey : Pourquoi pas ! D’ailleurs, on aime bien certaines chansons de Billy Idol. En tout cas, The Getaway Plan est un bon titre rock.
John : Moi, ça me fait plus penser à du Thin Lizzy sous stéroïdes ! (Joey se marre) Si Phil Lynott était encore de ce monde et si le groupe avait voulu jouer plus heavy, ils auraient sans doute sonné un peu comme ça.

EP : Thin Lizzy, c’est beaucoup plus ton influence que les artistes que j’ai cités…
John : Oui. Et pour ma comparaison, je pensais particulièrement au chant. C’est très Thin Lizzy dans le refrain et les couplets. C’est un peu chanté-parlé, ce qui était le truc de Phil. C’est aussi très relax et très cool sur les refrains, comme il avait l’habitude de le faire. Et puis il y a cet effet d’écho que Phil utilisait beaucoup. Du coup, je tourne un peu Lizzy sur cette chanson.
Joey : Moi, c’est sur Love Is Not The Enemy que je tourne Lizzy (Il entonne le début de la chanson).

EP : Projetez-vous de vous faire tatouer le « E » de Europe quelque part sur le corps, comme Ian ?
Joey : Exact, Ian a un « E » de tatoué sur l’épaule. Mais peu pour moi. Ian aime les tatouages, pas nous.
John : Je déteste ça ! J’en aurais peut-être si personne n’en avait. Mais puisque tout le monde en a, quel intérêt ?
Joey : On devrait peut-être se faire tatouer le « E » sur le front… (rires)
John : les tatouages, c’est la chose la plus naze du monde. Regarde Mötley Crüe et Poison : ils sont ridicules ! ça manque totalement d’originalité et ça craint !

EP : Donc, John, tu n’as aucun tatouage ?
John : Non, aucun !
EP : Et toi, Joey, tu en as un, non ?
Joey : J’en avais un, mais je l’ai fait enlever. Je me suis dit : « Quand j’aurai des enfants, je ne veux pas qu’ils me voient avec ça ».

EP : Puisque tu parles d’enfants, les laisseras-tu jouer, comme dans la chanson ?
Joey : Oui, bien sûr que je laisserai jouer mes enfants ! L’idée de la chanson, puisque c’est à Let The Children Play que tu fais référence, vient de mon frère et de ses trois fils qui sont complètement dingues… Ils courent partout, ils font du moto-cross, etc. et ils les laissent toujours jouer. L’idée de départ est venue de là. Par la suite, j’y ai ajouté des références à mon père et à ma mère.

EP : Est-ce que le propos de la chanson est de dire aux parents : laissez-les vivre leurs rêves pour qu’ils construisent leur propre vie ?
Joey : Absolument. Le refrain dit : « It’s not where we’re coming from, it’s where we go from here ». L’idée, c’est qu’il y a tant d’héritages différents dans le monde avec la religion, la politique, et tout ça… que nous avons besoin de trouver le moyen de repartir depuis ce point avec nos enfants, pour bâtir un nouveau monde sans trop nous appuyer sur ces héritages qui sont parfois facteurs de troubles.

Rédigé par Nico
© Nico & Mike - EUROPE PARADISE